Patrick Lipski suit son chemin, D’ailleurs son autoportrait le montre en marcheur, vu du ciel. On reconnaît son chapeau. Il est pieds nus dans la couleur. Le visiteur lui-même n’est-il pas invité à marcher dans la peinture celle-ci étant en partie présentée au sol ?
Sol, plafond, murs… C’est que la peinture pour Lipski est partout, il vit dedans depuis plus de cinquante ans. Il la respire au point de replonger encore une fois dans son histoire. C’est ainsi qu’il convoque aujourd’hui la grande peinture à travers Fragonard, Vélasquez, Vinci autour de représentation de femmes. Hommage, citation, interprétation, restitution… Impossible de répartir selon une classification qui épuiserait d’ailleurs la réalité de sa peinture. Alors, pourquoi s’emparer de chefs-d’œuvre et en faire les sujets de ses propres tableaux ? Veut-il ici dévoiler un sens caché ? Non simplement pour lui, l’art et l’œuvre n’existeraient que dans le jeu ou l’exercice de la variation. Ainsi, c ’est toujours autour de la représentation féminine que se construit le tableau. Que reste-t-il alors de Fragonard, Vinci, Vélasquez chez Lipski ? La citation devient-elle une nouvelle forme d’affirmation picturale ? Une façon de repositionner sa peinture ? Le besoin de s’approprier ce qui est perdu à travers une représentation autre ? Questions qui resteront sans réponse, le mieux en effet est de laisser aller le regard sur la toile.
Décidément, Lipski aime les classiques. En effet, les supports eux-mêmes font un retour aux triptyques, polyptyques… qui renvoient là encore à d’autres temps. Peints durant la période du Moyen Âge et de la Renaissance pour servir de retables dans les églises, ses panneaux articulés sont aujourd’hui pour lui l’occasion de compléter la représentation féminine de scènes annexes, de la mettre en situation et de jouer sur un dévoilement progressif.
Que produisent ici ces œuvres à « tiroirs » ? De nombreuses variantes sont possibles car chaque partie fragmente une représentation puis en laisse apparaître une autre. Cacher et montrer n’est-ce pas l’objet même de l’art et plus particulièrement de la peinture ? Érotisme du voir où le cacher ne se révèle que par étapes… N’est-ce pas là l’effet recherché ? En ouvrant un panneau délicatement apparaît ici une cuisse, là une épaule.
À l’intérieur, on découvre l’ombre du peintre qui plane sur le modèle. Il est au travail tout à son affaire de retouche… La peinture encore et toujours, il est là, bien dedans.
Sandrine Morsillo
Hommage aux victimes du Drame au Bataclan
Exposition à la Galerie du Génie de la Bastille, Paris 11
Biennale d'Art contemporain du Génie de la Bastille, dans les jardins et squares du 11ème arrondissement